Difficile retour au Kosovo

Le 6 décembre dernier, après vingt et un jours de détention et cinq ans de résidence en Haute-Saône, la famille Raba est expulsée au Kosovo. Notre correspondante sur place l'a rencontrée.
RAHOVEC. - Le chant du Muezzin emplit l'air du soir. Soudain, c'est l'obscurité. Comme tous les jours au Kosovo, il n'y aura pas d'électricité pendant au moins trois heures. Dashroje, trois ans, dessine le contour de sa main sur un papier. Comme elle l'a appris en petite section de maternelle. En Haute-Saône. Il y a trois mois. Une éternité pour cette famille albanaise du Kosovo expulsée de force de Gray où ils vivaient depuis cinq ans. « Je ne veux pas le Kosovo, assène Sphresa Raba, 26 ans. Nous avons choisi la France. Pourquoi on n'a pas gagné les papiers ? ».
Depuis décembre, les Raba sont de retour à Rahovec, une ville de 25.000 habitants située au sud-ouest du Kosovo et protégée par la Kfor. Ils sont terrés chez eux et n'ont de contacts qu'avec les parents de Jusuf, le mari. « Toutes les nuits, j'ai peur que l'on ne se réveille pas vivants », poursuit Shpresa. Elle a perdu 15 kg, lui est sous anti-dépresseur. A l'automne 2001, Jusuf refuse d'aller brûler des maisons serbes avec des sympathisants de l'UCK, l'armée de libération du Kosovo. Shpresa, en représailles, subira une agression sexuelle, Jusuf assomme alors l'agresseur qui profère des menaces de mort. Le jeune couple et leur bébé partent en France où vivent déjà des frères de Jusuf. Traditionnellement, un viol apporte le déshonneur à toute la famille et la faute ne se lave pas que dans le sang de la victime. A Rahovec, les Raba ne trouvent que la honte et la condamnation. Sans papiers « Le fait qu''ils n'aient reçu aucune visite des voisins ou de la parenté est un signe fort, confirme Krenar Gashi, enquêteur au Balkan Investigative Network Report. De plus, ils se sont opposés à l'UCK qui est intouchable au Kosovo. Dans le meilleur des cas, les Raba n'encourent qu'une mort sociale ». Dashnor, cinq ans, s'est niché sur les genoux de son père. Dashroje s'accroche à son biberon, le seul objet ramené de France. Les Raba sont revenus au Kosovo les mains vides, sans même des papiers d'identité. Difficile aussi de trouver du travail dans ce protectorat des Nations unies où le salaire moyen est de 240 euros par mois. « L'avenir d'un pays où 50 % de la population a moins de 27 ans, passe par l'immigration », affirme Michel Svetchine, directeur de la Banque centrale du Kosovo.
Le téléphone sonne sans arrêt, ce sont les amis de Gray, les voisins surtout. Un soutien qui étonne les fonctionnaires internationaux en poste à Rahovec. « Cinquante-six familles ont été renvoyées de force en 2006, principalement de Suisse et d'Allemagne, constate Kirsten. Là-bas, personne n'a levé le petit doigt pour réclamer leur retour ».
Shpresa, « espoir » en albanais, est déterminée à retourner en France. Clandestinement s'il le faut. Un passeur leur coûterait 16.000 euros. « Si je ne peux pas, je mettrai le feu à la maison avec nous dedans ! », s'exclame-t-elle. Sans chauffage, le froid s'installe. « Regarde, dit Qirim, 8 ans, avec l'accent de la Haute-Saône, c'est une carte envoyée par Esther, ma maîtresse de CE1 pour mon anniversaire. En septembre, je passe en CE2 ! ». Son père, le désespoir au fond des yeux, détourne le regard.
Ce lundi, débutent à Vienne les négociations sur le statut final du Kosovo... Gaëlle PERIO

Manifestation à l'appel de RESF

PARIS. - Quelque 200 personnes selon les organisateurs, 70 selon la police, se sont rassemblées hier près de la Fontaine des Innocents à Paris (Ier) à l'appel du Réseau éducation sans frontières (RESF) pour demander le retour en France de la famille Raba, reconduite au Kosovo le 6 décembre dernier.
« Nous demandons le retour immédiat de la famille Raba, mais aussi celui de toutes les familles dont les enfants étaient scolarisés en France », a dit Richard Moyon, porte-parole de RESF.
La famille kosovare Raba - Jusuf, sa femme Shpresa et leurs trois enfants âgés de 7, 4 et 3 ans, dont les deux derniers sont nés en France - a été expulsée de France le 6 décembre et conduite le lendemain dans son village d'Orahovac par des membres de la Minuk (mission de l'Onu au Kosovo).
La famille avait fui le Kosovo car le père avait refusé d'entrer dans l'Armée de libération du Kosovo (UCK) pour combattre les Serbes.
Leur cas avait provoqué une forte mobilisation depuis leur arrestation le 16 novembre à leur domicile de Gray (Haute-Saône).